Plat et vin doivent pouvoir se retrouver en pays de connaissance mais aussi jouer sur des oppositions. Il peut en effet suffire de modifier un plat avec une sauce crémée pour voir un vin sec et minéral frétiller devant son double inversé. C'est l'unité des contraires : la crème allonge le vin, le poussant à se révéler.
Lorsque l'on a dans l'assiette le même volume, la même densité que dans le vin, on a bâti de solides fondations sur lesquelles on peut ensuite affiner l'accord aromatique. Tel est le rêve de tout cuisinier soucieux du vin : trouver un accord de texture et de structure et une palette aromatique qui permettent de multiplier la complexité des saveurs du plat. Par exemple, le chinon jeune est un vin chaste, bien différent du folklore rabelaisien qu'on lui prête. En dégustation pure, il paraît droit et grave, un peu corseté. Mais, à table, en bonne compagnie (celle des abats par exemple), il s'ébroue, cherche parfois à tirer la nappe à lui. On découvre alors, presque mystérieusement, les principes de la véritable gastronomie : la table anoblit le vin.
Si l'élément principal doit fournir l'accord de texture, c'est aussi la garniture qui fait le plat, arbitre entre différents vins, joue les entremetteurs, assure la cohésion de l'ensemble, amplifie et prolonge les vins. Certaines garnitures peuvent casser un accord : des haricots verts croquants font ressortir les tannins, les purées engluent souvent les vins, les champignons récusent les vins jeunes, les sauces font ressortir le boisé, une sauce au basilic s'avère trop exubérante. Enfin, n'oubliez pas non plus que l'ordonnancement du repas joue. Chaque plat, chaque vin, ne peut s'isoler du précédent. Il doit se choisir dans le profil du repas, son environnement et l'enchaînement des mets et des vins. Il y a un avant et un après chaque service.